Alexandra Tchuileu

Leçons de vingtaine

Ce texte, j’ai commencé à le rédiger le dernier dimanche soir de 2019. Je n’ai pas pu le boucler avant le 31 décembre. Mais flemme de changer l’intro. Parce qu’il me sera difficile de décrire mon état d’esprit de ce moment-là. Or, une envie incontrôlable de recommencer à écrire sur cette plateforme m’a saisie. Donc, allons seulement…

J’ai l’intime conviction que s’arrêter est indispensable avant de reprendre la route. Avant de poursuivre l’aventure. C’est le sentiment qui me démange le bout des doigts depuis un moment. Je sais comment intituler ce moment avec mes lecteurs. Mais je ne sais pas encore comment je veux structurer ce contenu. J’y vais donc comme mon cœur me parle. Je ne sais pas m’y prendre autrement. Ce dimanche soir, à quelques heures de la fin de l’année 2019 et de la fin d’une décennie assez particulière pour moi, j’ai envie de m’arrêter un moment pour me regarder.

Sérénité face aux événements
Aller de l’avant…

Première impression : Wow ! Quelle femme ! Mais quel charisme ! Quel charme ! Quelle maturité ! Et pourquoi ? Un tas d’échecs essuyés, une flopée d’aventures vécues, tant d’amour éprouvé, déçu et espéré. Tant de vie vécue.

Tout ce que je ne pouvais voir ou apprécier il y a peu. Tout ce que je ne pouvais jauger à mes 20 ans. Aujourd’hui, je pense que j’ai appris deux ou trois choses. Permettez-moi de partager cela avec vous.

1. La patience

C’est assurément la clé. Pour apprendre à s’écouter et à écouter les autres. La patience envers moi-même, vis-à-vis de mes exigences, vis-à-vis des miens. Nous ne pouvons pas tous aller au même rythme. Mes sens ne comprennent pas toujours le message. Par des conséquences quelques fois désastreuses de mon impatience et de mon envie d’aller de mon imagination. Comment y arriver? Je ne veux pas aligner des généralités qui se retrouvent dans les magazines de psychologie. Mais par ma démarche personnelle. D’abord, j’ai pris le temps de me connaître. J’ai un caractère bien trempé. Rien à faire. Je l’ai appris récemment, sans doute à mes dépens parfois, mais au moins, je le sais. J’essaie (j’y travaille vraiment beaucoup), d’avoir la maîtrise de moi et d’en être consciente pour ne pas le faire subir aux autres.
Donc, j’ai un caractère bien trempé. En famille, à l’école ou au boulot, cela est souvent apparu comme de l’arrogance, de l’irrespect ou même du mépris. Je ne vous dis pas combien de fois j’ai vécu pareilles scènes dans mon quotidien ces douze derniers mois. Mais j’en suis consciente. Je le fais surtout savoir atour de moi. Non pour justifier, mais faire comprendre que j’y travaille et qu’il n’y a pas de risque que je change juste pour faire plaisir.

Pieds respirant la sérénié
Voir venir…

C’est une autre leçon de cette vingtaine. J’y reviendrai plus bas.Ainsi, j’ai appris à me connaître en faisant silence autour de moi et en moi. Pour cerner ce que je voulais, qui j’étais, comment j’avais souvent réagi à des situations. Il y a par exemple les épisodes amoureux. Oui, très souvent, j’ai eu des éclats de voix avec moi-même et pas clairement exprimés pour mon (ou mes) vis-à-vis. Résultat : cacophonie, mauvaise interprétation et cassure. Heureusement, la patience pour m’écouter, écouter mes besoins et me recentrer par rapport à cela, m’a appris à l’être également avec les autres et à mieux apporter des réponses à leurs questions/besoins/envies (dans la mesure du possible bien évidemment).

2. L’amour

C’est seulement après une déception amoureuse que j’ai découvert que je ne savais pas aimer. Du moins, je ne savais pas l’exprimer. En tout point de vue. Je ne veux pas m’accrocher à l’excuse facile de « dans les familles africaines, on ne sait pas montrer son amour ». Je pense que cela s’apprend. Et c’est une initiative personnelle. Je l’ai appris après une ou deux ruptures amoureux, amicale et professionnelle. Quelqu’un gravitant dans mon entourage m’a récemment appris que j’étais nulle en « rupture ». Je pense que je ne suis pas meilleure en amour. Mais là encore, je travaille à peaufiner l’affaire et à l’exprimer à ma sauce. Jusqu’ici, je ne me débrouille pas trop mal. Je suis moins rigide sur les bords, même si des soubresauts de rigueur se battent à maintenir la tête hors de l’eau. Attention, il ne s’agit pas de tout laisser passer crème. Mais vraiment d’exprimer cet amour avec lequel je dialogue beaucoup dans ma tête mais qui peine (peinait ?) à prendre possession des autres membres de mon corps. Il est impératif de montrer son amour, m’a appris cette décennie de fougue. Vous savez mon attachement aux détails. Je vais certainement vous décrire tout cela dans un autre billet, comme pour ma première fois à vélo. Pour le moment, restons focus sur le bilan.

C’est seulement après une déception amoureuse que j’ai découvert que je ne savais pas aimer. Du moins, je ne savais pas l’exprimer. En tout point de vue.

Faut pas croire que je n’ai pas fait attention aux relations toxiques. Il y en a eu et il y en aura encore. Donner et se donner ne valent pas toujours la peine dans toutes les relations. Aussitôt que l’autre oppresse, ne met en avant que ses priorités et éloigne (moi en l’occurrence) de ce qui participe de mon épanouissement, je case rapidement le personnage dans la catégorie « toxique ». J’ai appris à prendre la distance suffisante pour permettre au poison de ne pas (plus ?) agir sur moi. Pas si simple. Parce qu’il faut du courage pour se couper des personnes attachantes et lourdes en même temps. C’est aussi ce que l’amour m’a appris. Savoir se retirer quand il n’y en a pas.

3. La persévérance

Ce trait de caractère, je le redécouvre un peu plus chaque jour chez moi. Et il découle sans doute du point 1. Plus on cerne sa singularité, plus on fonce vers des objectifs plus précis. A ce jour, je suis incapable de vous dire en trois points ceux que je me suis clairement définie. L’élaboration est en cours. Mais je sais que je persévère. Quoiqu’il arrive et quoiqu’il m’en coûte. C’est l’autre manière de dire « se donner à 1000 % » dans tout ce que j’entreprends. J’en ai pris conscience un dimanche après-midi (encore un dimanche, décidément), lorsqu’une amie me faisait remarquer que je me donne un peu trop dans les projets qui ne sont pas miens. Elle trouvait que je « dispersais mon énergie » alors que j’aurai pu me « poser », me « calmer » afin de « voir venir » et me « comporter en femme ». Rien de mieux que de telles « bienveillances » pour me redonner le punch. J’ai joué à celle à qui ces mots ne disaient rien une fois rentrée chez moi. Mais, elle avait trouvé le courage de dire ce que d’autres regards silencieux n’arrivaient pas à me dire. C’était aussi une révélation de celle que j’étais (depuis toujours). Se donner à 1000% et ne pas « attendre » que la vie se passe comme la société a prévu.

Je pense qu’à un moment de ma vie, j’ai un peu touché le fond. Je ne savais plus trop où j’en étais, où j’allais et surtout comment je voulais que les choses se déroulent pour moi. Un besoin de sursaut sans trop savoir lequel

Traduction : il me fallait me poser pour trouver mari, faire enfant et fonder une famille comme toutes les jeunes filles de plus de 25 ans, diplômées et pas déçue de leur boulot. Je me suis alors aperçue que je ne rentre pas dans ce job description tout fait et trop carré pour moi. J’avance. Ce qui doit se faire, finira bien par se faire le moment venu, sans chichi, ni obligation. C’est ainsi que je me suis investie un peu plus dans tout ce que je touchais, souvent poussée à prendre les devants (sans le vouloir, je vous le promets) et finalement, à relever des défis auxquels je n’étais pas préparée.J’imagine que vous cherchez le lien entre tout ce que je viens de déballer la persévérance que j’ai annoncée plus haut. Il est simple. Il s’agit de ne pas baisser les bras dans ce que l’on entreprend, dans ce que l’on choisit de faire ou dans les batailles que l’on peut être amené à mener. Je ne sais pas baisser les bras. Depuis toujours. Encore plus dans cette période de ma vie où j’avais sans doute des choses à me prouver à moi-même. J’avais surtout besoin de trouver la personnalité qui me correspondait le mieux. Pas certain que j’y sois déjà parvenue. J’y travaille toujours.

4. Le lâcher-prise

Ce dernier point, je l’ai surtout puisé dans mes lectures (Milan Kundera, Paulo Coelho). Grosse influence religieuse aussi. Mais, je l’ai surtout expérimenté dans la seconde partie de cette décennie. La fougue du début de vingtaine, l’envie d’aller dans toutes sortes d’aventures et surtout, le goût du risque, du proscrit, de ramer à contre-courant, des échecs engendrés, des déceptions vécues, des attentes non satisfaites, etc. Je pense qu’à un moment de ma vie, j’ai un peu touché le fond. Je ne savais plus trop où j’en étais, où j’allais et surtout comment je voulais que les choses se déroulent pour moi. Un besoin de sursaut sans trop savoir lequel, besoin de déclic aussi. Je peinais à le percevoir, trop obnubilée par le nuage sombre qui m’enveloppait.
Jusqu’à ce que j’apprenne ce que signifie « lâcher-prise ». Je ne prétends pas en être spécialiste aujourd’hui, ni en apporter une définition exacte. Mais bon sang comment cela met bien ! Comment l’esprit s’allège quand on ne cherche pas à avoir le contrôle sur tout et à se laisser porter.

Jeune fille qui saute dans le sable devant une plage.
S’autoriser la légèreté…

Un partenaire qui a du mal avec la fidélité ? Pas grave. L’histoire s’arrêtera et chacun va tirer des conclusions. Pas la peine de perdre le peu de cheveu qu’il me reste pour raisonner l’individu. Un boulot stressant parce qu’on a l’impression que nos écrits et nos cris de détresse ne changent visiblement pas grand’chose ? Pas la peine de se morfondre. Il y a toujours une ou deux bonnes personnes que cela finit par toucher. J’avais de la peine à y croire à un moment et à avoir confiance en moi. Jusqu’à ce samedi après-midi (enfin un jour autre que le dimanche) où cette journée de récollection dans un sanctuaire m’a aidée à me libérer du fardeau que je ne saisissais pas. Comment je me suis sentie légère de ne plus me préoccuper. De ne plus vouloir gagner tout, tout de suite et à ma manière. C’est une autre grande leçon de la seconde partie de la décennie. Apprendre à perdre le contrôle pour se sentir vivre.

5. La gratitude

Je ne vais pas développer. Sachons dire « Merci » pour tout ce qui nous arrive. En bien comme en inattendu. Tout est grâce. Je l’ai appris durant cette vingtaine. La gratitude envers tout et tout le monde.

Je ne suis pas certaine d’avoir tout partagé. Mais au moins, j’ai libéré une partie de moi. J’en avais besoin pour reprendre mes activités d’écriture par ici. Cette décennie sera différente. Pétillante de vie, fructueuse en aventures, riche de découvertes et des cadeaux que la vie voudra bien me faire. Je suis certaine que je vais toujours les partager avec vous. Je ne sais pas comment Mais c’est aussi un trait de caractère dont je ne souhaite pas spécialement me défaire.

#LaWestern


8 réalités à savoir sur le Qatar

Je vais essayer d’apporter dans ce texte les réponses aux questions que je me suis posée avant de me rendre pour la première fois au Qatar, ce pays du Moyen-Orient. Oui, j’ai fait une tête bizarre quand j’ai reçu l’invitation. Je me suis d’abord demandée : « Pourquoi moi ? Comment ai-je fait pour apparaître dans leur liste de contacts ? ». Et puis, je me suis rapidement souvenue que je suis plutôt ouverte à l’inconnu et à l’étrange. Du coup, tout ce qui paraît étrange ou différent m’est une tentation. Rien à faire. Je me suis alors laissée embarquer dans l’aventure. Dès lors, les premières questions ont vraiment commencé à me trotter dans la tête et surtout, les premières déconstructions.

1. Mon pays n’abrite pas d’ambassade du Qatar. Quid du visa ?

Ce n’est pas un drame. Le Qatar dispose d’une liste de pays dont les ressortissants n’ont pas besoin de visa pour franchir leur territoire. Donc si votre pays ne fait pas partie de cette catégorie, il vaut mieux vérifier si vous n’avez pas d’ambassade ou une autre représentation diplomatique du Qatar dans votre pays. Si vous êtes dans mon cas, c’est-à-dire un pays qui ne dispose d’aucune représentation diplomatique du Qatar dans votre pays, il faudra alors attendre de recevoir par mail ce visa. Dans ce cas, le visa est une initiative du gouvernement qatari. Je puis déjà vous assurer qu’il sera difficile de faire du faux (si la police d’immigration de votre pays est aussi attentive sur ce détail que celle de mon pays). Bref, j’ai facilement pu traverser cette étape puisque j’avais mon visa clairement établi et vérifiable grâce à un code émis depuis le Qatar.

2. Pas obligée d’être voilée au Qatar

Une fois le territoire franchi, j’avais quelques appréhensions sur la manière de se vêtir, étant donné que j’étais en terre arabe. Je puis vous garantir que je me suis autorisée des jeans et des robes moulantes (tout en restant décente) dans la capitale, Doha, sans me faire remonter les bretelles par qui que ce soit (encore moins par quelque regard vindicatif). Et je n’étais pas la seule dans cette situation. Quasiment tous les étrangers sont vêtus comme ils le souhaitent. (Et j’avoue aussi que dans la boîte de nuit de l’hôtel où je logeais, les dames avaient des tenues très « décontractées ». Dur de vous dire s’il s’agissait de Qatari ou d’étrangères). Il est vrai que le pays est arabe, mais il n’empêche pas les étrangers de se vêtir comme ils le souhaitent, tant que cela se fait dans le respect de l’autre, autant que nos pays laïcs. Ce qui me permet d’arriver à une autre super découverte.

Etrangers et nationaux se confondent souvent dans les rues de Doha parce que les femmes ne sont pas obligatoirement voilées.
(c) Alexandra Tchuileu

3. Il y a des chrétiens au Qatar

Oui. Cela n’a pas l’air d’être le scoop du siècle. Mais j’ai été agréablement surprise de constater qu’il y existe des paroisses chrétiennes dans ce pays. Mieux, on célèbre Noël au Qatar. Et cette fête païenne devenue chrétienne arrive exactement une semaine après la fête nationale du pays qui est célébrée avec faste chaque 18 décembre. Au moins deux jours avant le grand rendez-vous national, le pays s’était déjà mis aux couleurs du pays, avec une grande allégeance à l’émir et à son père. Autant que les buildings s’illuminaient déjà dès 17 heures.

Un drapeau de fleurs pour célébrer le Qatar et les fêtes de fin d'année.
Le pays se vêtit aux couleurs du drapeau national, autant qu’il prépare la célébration de Noël.
(c) Alexandra Tchuileu

4. La ville s’illumine la nuit

Dur de contester cette beauté à Doha, la capitale du Qatar. Dès 16 heures, aussitôt que le soleil se couche, (oui c’est une autre vérité sur le Qatar assez étonnante : le soleil se lève à 6 heures et rentre en gare à 16 heures au plus tard), les buildings s’illuminent. Inutile de vous décrire la hauteur de ces gratte-ciel qui à chaque fois tutoient le ciel et donnent le vertige.  Aucun ne ressemble d’ailleurs à un autre. Et les couleurs des lampes sont aussi variées pour les uns que les autres. Mon préféré restera la dame en robe (l’immeuble tout en lumières jaunes). Ici, les gratte-ciel de plus de 50 étages pour certains ne se ressemblent pas et ne cessent de germer dans la capitale qatari. S’il y existe quelques tours jumelles, aucun building n’a la même architecture qu’un autre.

A la tombée de la nuit, chaque building donne des couleurs vives à la ville de Doha. Regarder, un délice.
(c) Alexandra Tchuileu

 

Dès la fin d’après-midi, les buildings de Doha prennent de nouvelles couleurs.
(c) Alexandra Tchuileu

5. A Doha, on vit la nuit

Quatre jours et trois nuits passés dans ce pays m’ont résolument confortée dans cette idée. La manière de percevoir et vivre sa vie diffèrent d’un point à l’autre du globe. De ce côté, parents, enfants, célibataires, amoureux, cœurs brisés, etc., tous sont fans de la vie dans la nuit. En français facile, ils sont presque systématiquement de sortie dès la tombée de la nuit pour prendre un café, fumer de la chicha (aux parfums absolument tentants) ou simplement parcourir des jardins publics. J’ai demandé pourquoi et j’ai eu quelques réponses. « Ici, c’est d’abord un désert. En général, les températures sont très élevées en matinée et en journée. Le temps devient plus frais en soirée. » Résultat des courses : il y a du monde dans des zones très précises. Les espaces verts aménagés notamment. Du moins, à Doha, les bords de mer sont très courus. A la corniche, des espaces d’animation ont été aménagés et les enfants se lâchent véritablement. Les hommes discutent dans leur coin. Les dames, voilées ou pas, aussi. Jusqu’à 22 heures, voire minuit, il n’est pas impossible de voir un couple avec son bébé de 18 mois, ou moins, parcourir les rues de la capitale (en toute quiétude).

Des hommes en train de pêcher avec leur hameçons.
Dès le coucher de soleil, les habitants multiplient les activités comme la pêche pour profiter de la mer.
(c) Alexandra TChuileu

6- Au marché, on discute les prix…

Et c’est du lourd. Il ne faut surtout pas se faire des cas de conscience parce qu’on aura divisé le prix d’une marchandise par deux avant d’engager les pourparlers, ça en vaut la peine. Il ne faut pas se priver de discuter, surtout dans les « souk ». Ce sont des marchés traditionnels où se trouve une bonne partie de l’authenticité qatari. Pas sûr que les complexes commerciaux se laissent faire pareil. Tant qu’on a une bouche et qu’on peut parlementer pour une marchandise, il faut discuter pour voir les tarifs des produits baisser. Le commerce est international, la négociation aussi.

 

Le Souk Wakif, un des espaces mythiques et traditionnels de Doha.
(c) Alexandra Tchuileu.

7. Doha, ville hyper sécurisée

C’est carrément «Big Brother» grandeur nature. Les caméras de surveillance pullulent les rues et mêmes ces endroits où vous vous croyez seuls. La police sillonne également la nuit. Surtout que ce sont davantage les marteaux piqueurs et les bétonneuses des chantiers qui se font entendre. Il y a moins de monde sur les axes routiers et davantage des véhicules de luxe. S’ils sont favorables à la nuit, les habitants de Doha au Qatar sont moins enclins à se balader dans la zone des buildings qui ne leur apportent pas grand intérêt. Ils préfèrent être dans des « Souk » ou des cafés. Là aussi, ils ont la garantie d’avoir de la chicha à tous les goûts et la sécurité qu’ils espèrent.

Une compétition de gratte-ciel dans le ciel de Doha.
Si ils sont beaux, les gratte-ciel de Doha ne sont pas toujours ouverts à tous les appareils photo.
(c) Alexandra Tchuileu

 

8. Dans les rues, on ne filme pas tout

La ville est belle. Certes. Mais les plaisirs sont encadrés. Surtout les prises de vue. Première claque pour moi à la plage. Je me suis vue interdire de recommencer des prises de vue avec mon appareil photo. « Avec votre téléphone, vous pouvez, mais pas avec cet appareil », m’a gentiment dit un des gardes pas loin de mon hôtel. J’ai donc commencé à faire plus attention avant de sortir mon appareil pour mitrailler en images et graver tous les souvenirs. C’est pareil en ville. S’il n’y a pas de gardien pour vous prévenir, il faut faire attention aux écriteaux qui interdisent de prendre en photo certains buildings. Et je peux vous garantir qu’il vaut mieux respecter la consigne. Là, on se vante d’avoir des prisons quasi vides, tant les habitants respectent le «contrat social» établi. Il vaut donc mieux ne pas entrer dans les annales des prisons de Doha. Je ne sais pas ce qui s’y passe et, sincèrement, je préfère ne pas savoir.

Vue des buildings dans les rues de Doha au Qatar
Les édifices ont une architecture très variée, autant qu’ils abritent souvent des bureaux souvent sensibles.
(c) Alexandra Tvhuileu

Je ne vais pas tout raconter en même temps. Il faut y faire un tour pour découvrir et vous faire votre propre expérience. A la fin, j’espère que vous trouverez dans ce texte des éléments pour dédramatiser votre séjour dans ce pays de la péninsule persique. C’est une expérience absolument fabuleuse. Juste parce qu’il faut y aller et goûter au temps qu’il fait dans le désert à cette période de l’année. Au moins, vous pourrez vous gargariser de mourir avec un brin de culture générale en plus. Avec du vécu surtout.

#LaWestern

Alexandra TCHUILEU


Adieu mon Amour !

Je ne l’avais pas imaginée ainsi, notre fin
Je ne pensais même pas qu’elle arriverait
Et pourtant, cela s’est fait
A la violence des mots, nous avons choisi l’hypocrisie du silence
Au fardeau de la haine, nous avons choisi la tendresse de l’affection
Une affection que toi et moi n’aurons jamais su exprimer en fin de compte
L’un vis-à-vis de l’autre, l’un pour l’autre.

Ce détachement, à cette seconde, est définitif
J’en ai l’assurance
Et si tu avais encore un doute, je peux te rassurer que j’ai cédé, pour une fois
J’ai laissé le couperet des amours infinies agir
Je l’ai autorisé à passer au milieu de toi et de moi
Toi aussi, tu l’as fait
Nous avons eu le courage de le faire
Plus de place pour la douceur de nos regards
Pour la tendresse de nos caresses
Pour tout ce que toi et moi savions de doux, de cachotier, d’unique, de nous.

Car, notre Amour était unique
Ce que nous avions lié par l’esprit
C’était bien plus fort que tout ce qu’il y a de charnel
Tu le sais bien
C’était indicible
C’était innommable
C’était précieux
C’était pur.

 

Deux amoureux au milie de la mer
Laisser la vague emporter les souvenirs pour mieux repartir… (c) Alexandra Tchuileu

 

Nous aurions dû nous dire ce que nous voulions,
Dès le départ,
Mais c’était sans compter sur le grand patron
Monsieur « temps »
On dit tout de lui
On lui prête des prouesses cicatrisantes
On lui consacre des solutions miracles
On oublie juste de dire qu’il prend son temps.

Il y a des passions inguérissables
Il y a des souffrances éternelles
Je pense qu’il en est aussi des amours

Nous aurions dû nous déchirer
Pour avoir enfin la chance de passer à autre chose
Mais nous n’en avons pas eu la force
Nous n’en avons pas eu le courage

Des amours vraies, des amours pures
Nous en avions un
Nous n’avons pas su le sentir
Je ne t’en veux pas
A moi non plus
Mais on aurait dû bousculer les codes
Ne penses-tu pas que nous avons été trop sages
Un peu trop rangés
Un peu trop bienveillants l’un sur l’autre.

Mon ange, tu es donc parti
Tu es vraiment parti
Et je sens mon cœur se déchirer en mille morceaux
Tu es parti et tout s’effondre pour de vrai
Je découvre les délices de la rupture émotionnelle
Je préfère les culinaires
Elles sont piquantes, mais nourrissent
Celles-ci me vident de tout
De mes larmes
De mon sourire
De mon envie d’avoir envie.

J’ai appris que j’étais entrée dans l’âge adulte depuis un moment
C’était un leurre
J’ai avalé ce gros mensonge
J’y ai naïvement cru
Pour la première, je crois que j’ai sincèrement mal
J’ai profondément mal
Pour la première fois, tu m’as fait mal.

Mon ange, je tiens à te rassurer
Je ne voulais pas te retenir
Je ne pouvais plus retenir
Je ne pouvais plus lutter pour ce qui déjà, n’était plus à moi
Je ne pouvais pas t’accaparer
Je t’avais délibérément éloigné de moi
Je ne peux que comprendre aujourd’hui ta douleur d’antan.

Nous nous sommes libérés de nos chaînes émotionnelles
Pour un nouveau départ
Pour un vrai départ

Donc c’était si dur
Et tu ne m’en as rien dit
Donc c’était si violent
De se savoir quitté et abandonné à l’impardonnable solitude
Donc c’était si dur, de perdre une partie de soi
Et tu m’as caché tout cela.

Tu es parti, et je ne sais pas ce que je te souhaite
Tu trouveras bien ce que tu veux
Tu trouveras sans doute ce que tu cherchais
A moi, je souhaite de continuer à vivre
De pouvoir aimer aussi purement
De me donner aussi sincèrement que je l’ai fait avec toi
De ne pas laisser planer l’ombre de notre alliance
D’aimer comme si aujourd’hui était la veille de mes noces
De pleurer pour exprimer ma joie
De me taire pour garder ma colère
De crier et sauter pour manifester ma complicité
Parce que c’est le signe des amours authentiques
Nous l’avons juste effleuré.

Mon amour
Nous le vivrons, dès maintenant
Nous nous sommes libérés de nos chaînes émotionnelles
Pour un nouveau départ
Pour un vrai départ
Nous ne nous verrons pas de sitôt
Prends soin de ton regard
Tu sais que c’est mon préféré
Je prendrai soin de tout moi
Cela a toujours été ton préféré.

Adieu mon Amour !

Je ne t’embrasse pas. Je ne me le permettrais plus.

#LaWestern

P.S : Ne m’attends pas à tes noces. Tu sais très bien que tu ne résisteras pas. Moi non plus. Mais je ne cèderai rien. Pour rester cohérente avec moi. Tu connais mon attachement à mes principes. A mes rigoureux principes.


Je suis une femme jalouse

Je suis une femme jalouse…

Je l’ai appris à mes dépens il y a peu
Je l’ai compris sans doute trop tard (ou assez tôt, c’est selon)
Je ne m’en vante pas
Mais je suis une femme jalouse …

Comment comprendre que je sois malheureuse au fond de moi face à tant de bonheur
Ce bonheur qui m’a si souvent tourné autour et que je lorgnais
Ce bonheur qui m’était offert sur un plateau d’argent
Et que j’ai repoussé 1, 2, 3, …4 fois, sans me poser de questions
Sans me regarder une seconde
Sans penser à ce que la solitude pourrait provoquer quelques années plus tard
Alors je me suis laissée aller dans ce que je croyais être la vie
Je suis passée à côté de tant de moments de qualité avec les miens
J’y suis revenue, après moult déceptions et vides, pour les rattraper les bras encore tendus
Ils n’étaient plus nombreux

L'expression de la jalousie en un regard
Un regard envieux porté sur le bonheur des autres. Photo: Pixabay

 

J’ai compris que c’en était peut-être fini pour moi et que je devais tout recommencer
Me réinventer un monde avec de nouvelles personnes à aimer
Un monde avec de nouveaux gens à appeler « miens »
Ce n’est pas le plus simple, ce n’est point une mince affaire
J’avais enfin commencé à bâtir les fondements de mon château
Cette fois, je l’espérais grand et fort, solide comme un roc, inébranlable face aux sentiments, les vrais
J’ai compris qu’il fallait régler un problème fondamental

 

Je suis une femme jalouse et c’est la pire des postures qu’on puisse avoir


C’est le pire des états dans lequel on peut se laisser plonger
J’ai encore des larmes aux yeux et je ne les imaginais pas si abondantes, si sincères
Parce qu’au fond, c’est la preuve que je n’en avais certainement pas fini
Je n’avais sans doute pas laissé exprimer tout mon potentiel en amour, tant je le crois et je le sens immense
Je n’avais pas achevé de partager la plus douce des caresses
Je n’avais pas échangé le plus intense des baisers
C’est dur de savoir qu’il n’y en aura plus
Et que je dois tout recommencer aujourd’hui

 

« Je le sens destructeur ce sentiment
Il m’envahit de toute part, du bout de mes doigts,

 Du plus profond de mon être
Et pourtant, il ne me représente pas »

 

Je suis jalouse et j’ai choisi de pleurer ici pour passer à autre chose
Maintenant que je le sais, et j’admets cette faiblesse,
Parce que oui, c’en est une, il faut que je me relève
Il faut que je trouve le courage d’aller vers ces tatas blessées par des promesses d’amour non tenues, ces mamans endurcies par la déception et les infidélités multiples, ces inconnues pour qui le chagrin est devenu un second abri
Il faut maintenant que je me tourne vers elles pour savoir comment on vit avec ce sentiment
Mieux, comment s’en débarrasser
Parce que je le sens destructeur ce sentiment
Il m’envahit de toute part, du bout de mes doigts, de plus profond de mon être
Et pourtant, il ne me représente pas
Il ne me correspond pas

Un couple heureux
Que c’est beau, l’amour! Photo: Pixabay

 

C’est ce que je croyais jusqu’à ce que je le ressente encore cette nuit où tous mes tendres souvenirs sont remontés à la surface
Jusqu’à ce que je sente la gorge complètement nouée,

après avoir vu l’inadmissible pour mon cœur et l’irréparable pour mon esprit
J’ai compris que je n’en avais pas encore fini
J’ai réalisé qu’être jalouse, ça n’arrivait pas qu’aux autres
Oui. Je suis une femme jalouse…

Alors, j’ai choisi de m’en départir

Je ne dirai certainement pas ici et maintenant la solution miracle
J’irai à coup sûr puiser au fond de moi, le peu d’amour propre qu’il me reste, pour me relever
Mais aussi, cet amour propre dont sont remplies les personnes fortes et courageuses qui regardent en face leur passé et, entre quatre yeux, osent passer à autre chose
Je vous raconterai ce qu’il en sera en fin de compte
Si vous avez des astuces, n’hésitez pas à partager en commentaire
Je suis preneuse de tout en ce moment
N’hésitez jamais à être vous-mêmes et à reconnaître quand vous avez fait une chute

Les formules bien préparées et passe-partout pour cœurs saignants, non merci !
J’en ai servies, j’en ai avalées
Je veux votre expérience à vous, authentique et sincère
Pour moi, ce sera le commencement de la guérison (M’fin, je l’espère)…
Que le Ciel vous garde !

Alexandra Tchuileu

#LaWestern

PS : J’ai écrit ce texte d’un trait, sans calculer, sans objectif, juste par envie de partager cette émotion et après plus de sept mois d’hibernation rédactionnelle. J’espère commencer une nouvelle page avec vous par ces mots, avec ces larmes et dans cette émotion. Libérée ! C’est ce que je vous souhaite. A moi aussi.


Ma première fois… si douloureux et si délicieux !

Je n’étais pas obligée d’y aller. Je voulais faire comme tous les autres. Ils paraissaient si bien et si libres après avoir franchi ce pas. Ils n’en étaient pas à leur première expérience. La sensation, ils la décrivaient entre connaisseurs. Et davantage entre connaisseuses. Se vantaient de leurs exploits. Réels ou imaginaires. Rappelaient les figures qu’ils avaient reproduites et pour lesquelles ils seraient bien inspirés de graver sur une pierre. Pour ne rien oublier. Pour ne rien perdre du moment. « Tu es trop sage. Tu écoutes trop ce qu’on te dit. Lâche-toi un peu ! Amuse-toi un peu ! Nous, on y est allés et aujourd’hui, on ne regrette rien »… Et moi, je les écoutais. Ébahie. Envieuse. Curieuse. Alors, je décidai de franchir le pas.

Il était 17h25. C’était un samedi. C’est le seul jour où je pouvais m’éclipser. M’éloigner des regards moralisateurs des aînés. Des parents. Des encadreurs bienveillants. Un peu trop à mon goût. Ils m’empêchaient de vivre cette expérience moi aussi. Pour mon mal, je pensais. J’avais sans doute tort. Alors, il était 17h25. Le soleil était sur le point de se coucher. Moment parfait pour moi. Pour ne pas oublier la couleur que les derniers rayons rougeâtres donnaient à ma peau. Pour ne rien oublier de ce qu’on ressent à cette heure-là, entre le jour et la nuit, entre le permis et le proscrit.

Réussir mon entrée

Alors je fonçai. Je n’étais pas seule. Il y en avait une bonne brochette qui m’intéressait. Mais moi j’avais un faible pour le moins grand. Il n’était pas costaud, mais semblait outillé de l’essentiel pour mettre bien. Pour l’occasion, je voulais prendre le dessus. On m’a souvent soupçonnée d’aimer prendre le dessus. A tort ou à raison. Pour le coup, je ne voulais pas rater mon entrée. Ou plutôt, mon expérience. Il fallait que j’éprouve ce que les autres parvenaient à me faire imaginer. Il fallait que j’arrive à ressentir en vrai ce que mes sens me renvoyaient face aux témoignages des autres.

« J’avais peur. Très peur. J’hésitais à y aller. Sans prendre conseil. Sans avoir eu la bénédiction d’un aîné. »

On avait tous le même âge. Les filles surtout s’y étaient lancées depuis deux ou trois ans. Avec cette expérience, je n’avais plus le sentiment d’être à leur hauteur. D’avoir la légitimité de rire comme elles. D’avoir la prétention d’être supérieure ou égale à elles. Non ! Cela n’était pas envisageable.

L’envie d’apprendre mais la peur d’y aller seul. Photo: thumbs.dreamstime.com

Donc, ce samedi, entre le jour et la nuit, j’avais choisi le mieux outillé. Mes amies m’avaient prévenue que ce serait mémorable. Pour mes jambes d’abord. Mes cuisses ensuite. Je l’ai constaté. Les détails, je ne vous les dévoilerai pas. Euh, peut-être juste un bout. Tout ce temps, je suis restée au-dessus. J’avais peur. Très peur. J’hésitais à y aller. Sans prendre conseil. Sans avoir eu la bénédiction d’un aîné. Les encouragements de mes amies ne me suffisaient pas. Ils ne me rassuraient pas. Mais là, j’y étais et je ne pouvais plus rebrousser chemin. Il fallait choisir entre la peur et la liberté. Je voulais la conquérir, l’arracher cette liberté de la peur, de l’imagination, de l’inconnu.

Plaisir douloureux de 2 min

Tout a duré deux minutes. Tout cela pour deux minutes. Mais 120 secondes douloureuses pour mon entre-jambes. Je devais en plus faire des efforts pour y arriver. Pour atteindre le bout de cette crainte et sentir ce que cela faisait. De sentir le vent passer dans les cheveux crépus. De sentir mes jambes forcer pour avancer. De devoir lever mon fessier et le rasseoir successivement et très vite. Il fallait avancer. Plus j’accélérais, plus c’était douloureux. Moins j’avais peur. Oui ! Je l’avais fait.

« Le moment reste toujours aussi délicieux. Mes jambes fournissent le même effort mais la douleur est moins pesante. La crainte a disparu. »

Ce moment où tu défies une rue sur 30 mètres sans le secours de personne. Ce moment où tu vas avec le meilleur ami de ton frère aîné à son insu et au risque de voir quelques tresses défaites. C’était unique. C’était jouissif. C’était inattendu. Depuis lors, je ne m’en suis jamais défaite. Le moment reste toujours aussi délicieux. Mes jambes fournissent le même effort mais la douleur est moins pesante. La crainte a disparu. Enfin, je savais monter à vélo avant mes 10 ans sans l’aide de personne. Sans le contrôle de personne…

 

#LaWestern

Ce billet est ma contribution au #Mondochallenge organisé sur le thème de « Ma première fois». Vous pouvez lire dans ce même challenge les billets de Sonia Guiza et de Anani Agboh Elombarty.


Voici les 10 réalités qu’Internet ne dit pas sur Dakar

Oui ! Je pense qu’il s’agit bien des histoires que je raconterais à tout étranger au sujet de Dakar. Il faut y faire un tour. Bon, je vous donne dix réalités qui ont marqué mon séjour dans la capitale sénégalaise…

 1. Tout le monde fait du sport

Eh oui ! C’est clair que pour être aussi filiforme et tenir autant d’années sur terre, il faut être un footeux. Les équipements de sport ont d’ailleurs été aménagés le long de la mer dans la zone nommée « Corniche ». Là, enfants, parents, amis, dragueurs, dragués(es) et amoureux(ses) trouvent leur compte. Des vagues en plein fouet sur les pieds et le soleil qui prend son temps pour se coucher chaque soir. Bref, il faut le voir pour le croire…

Des équipements de sport aménagés en plein air pour tous
Sur la corniche à Dakar, des espaces de sport aménagés gratuitement pour tous. Photo: Alexandra Tchuileu

 

2. Le soleil se couche après 19h

Ce qui encourage toutes sortes d’activités en soirée. Aller au resto, en ballade avec des enfants, faire du sport, prendre un verre avec un admirateur ou pas. Bref ! Dès que 19h sonne, on ne s’y croirait pas trop. Au mois de mars alors, je dirai quasiment que c’est l’été de Dakar…

Les enfants de Dakar s'amusent sur la corniche en bord de mer
Sur la corniche à Dakar. Jusqu’à 19 h, les tout-petits trouvent leur compte coté loisir… Photo: A. Tchuileu

3. Le transport, c’est un peu la peau des fesses

Pour deux raisons au moins. Ici, la société est organisée telle que nos chers taxis de ville dans les autres villes servent à transporter des clients uniques. Pour cela, il faut débourser au moins 1500 francs CFA (mais j’ai réussi à payer une fois 800 francs, tant la distance était courte. J’ai dû utiliser le ton du Camerounais broussard pour lui rappeler que la vie n’est facile pour personne). De toutes les manières, Ndemdutakesh aurait du mal à trouver des sujets et se tournerait très vite vers les « cars rapides ».

Le transport en commun le plus utilisé de Dakar
Le moyen de transport le moins coûteux de Dakar. le car rapide. Photo: A. Tchuileu

 

4. Payer le transport à 50F, c’est possible

Là, c’est le must. Les sérigraphistes doivent avoir une belle fortune de ce côté, au regard de l’ingéniosité que demande la décoration des cars de transport. A Dakar, ils sont baptisés « cars rapides ». Samantha Tracy vous avait déjà raconté sa relation compliquée avec les taxis. Avec les cars rapides, c’est une autre histoire. Il faut avoir dit au revoir à toute la famille et dit à au moins une personne où on a sécurisé son testament avant de prendre ce type de transport (conseil de Lucrèce Gangdibe, une connaisseuse des lieux). L’avantage au moins, c’est qu’on arrive à payer 50 ou 75 francs en fonction de la distance, ce qui ne m’était pas arrivée depuis au moins 20 ans.

Le moyen de transport le mois coûteux de Dakar
Car rapide, célèbre moyen de transport coloré de Dakar. Photo: A. Tchuileu

5. Le sèche-linge sur le toit des immeubles d’habitation

Dès mon arrivée, les « spécialistes » de Dakar disaient déjà qu’il n’y avait plus de terrain à vendre de ce côté. A un moment, j’ai pensé à une blague. Jusqu’à ce que je constate que la distance qui sépare deux immeubles ne permettait pas la tenue du rallye Dakar. Conclusion, il fallait guetter plus haut. Quasiment au-dessus de chaque immeuble, un espace est aménagé non pas pour faire la fête (ici, le coup de fil à la police pour se plaindre est vite arrivé après 2 h du matin), mais pour sécher le linge. Belle astuce en tout cas. Plus près du soleil et plus loin des regards pour évaluer la qualité et le type de vêtements.

Vue aérienne des logements de Dakar
Logement serrés et coûteux à Dakar… Il faut être ingénieux pour y vivre. Photo: A. Tchuileu

6. Etre prêt à payer le prix fort pour un logement

Y a des quartiers de Dakar qui transpirent les « élobis » des autres villes, mais ils ne sont pas les plus nombreux. Du coup, le logement décent pour un cadre moyen (un salon raisonnable, une cuisine aérée, deux chambres avec salle de bain), ça demande d’avoir un minimum de 150 000 francs chaque mois. Si seulement les bailleurs savaient que c’est le salaire mensuel de certains cadres ailleurs. Et puis, ça doit bien être leur salaire aussi en même temps. Je dis ça je dis rien. Il faut en tout cas avoir les pieds sur terre pour y vivre. A défaut de se mettre à deux ou trois pour partager ce loyer (et donc perdre son intimité grandeur nature).

7. Etre prêt à manger du riz sous toutes ses formes

Ça n’émeut plus les Dakarois apparemment… Thiebédioune, Soupkandja, riz au curie, riz cantonnais, riz blanc, etc. J’ai eu ma dose. C’est bon. Ni le riz, ni ses recettes n’ont plus de secret pour moi. Et vous qui dites être gavés de riz avec la vie en fac, faites un tour à Dakar et vous l’aurez pour la vie. Ça peut être saoulant au début mais on finit par s’y habituer.

8. Du poisson frais à n’en plus finir

Sur ce point, je ne vais pas m’étendre. Dégustez du regard mes trouvailles sur Dakar. Le thiof, je ne l’ai pas trouvé sur le marché. Il tait trop sollicité et déjà embarqué au moment où je suis arrivée sur ces lieux. Entre ces crabes qui se discutent pour certains plats de « thieb », ce poisson de plus de 15 kilos taxé à 25 000 francs Cfa et cet autre (la lotte) qui a fait l’effort de partager la dentition humaine (forme de la gencive et même des dents). Bref! Jugez-en par vous-mêmes! J’étais impressionnée mais je n’ai pas osé goûté ce poisson. Charles Darwin avait sans doute raison sur l’origine de l’Homme…

 

Du bar et des baracoudas sur les étals des pécheurs
Du poisson frais en vente sur les étals du marché des pêcheurs de Dakar. Photo: A. Tchuileu
Des crabes et de la sole à vendre sur un étal
Ces crabes et cette sole viennent aussi de la Casamance et ne sont pas seulement pêchés à Dakar. Photo: A. Tchuileu
Poisson lotte à la dentition particulière
La célèbre lotte en vrai. Des dents à la forme quasiment humaine. Photo: A. Tchuileu

9. Les jeunes au volant de voitures neuves, c’est normal

Ici, le crédit automobile s’accorde encore facilement. Les pays voisins devraient y prendre de la graine. Si les routes au cœur du centre ville ne sont pas parsemées de cratères ou de nid de poules, les automobilistes le rendent tout aussi bien à la ville. Avec une bonne dizaine d’échangeurs simplifiés dans la ville, les constructeurs auto n’ont pas de mal à y tester leurs dernières sorties. Et les jeunes s’en donnent à cœur joie. Conclusion, le parc automobile de Dakar regorge très peu des voitures cinquième main. Après, j’ai compris pourquoi le rallye Dakar se déroulait là…

 

10. Dakar = chats, doux, choux et partout

A la base, je les aime les chats. Tout doux. Avec leur caractère. Et leur pelage. Mais quand ils se roulent partout, se pointent à tout bout de rue et écument même les restaurants des hôtels par dizaine, ça craint. Au premier endroit où je les ai vus par groupe de 5, en petite famille (chat costaud et sale, chatte nerveuse et chatons prêts à se coller au premier inconnu), j’ai pensé que j’étais dans un zoo pour chat. Et s’il s’agissait d’un véritable paradis pour chats comme l’avait constaté Roger Mawulolo? Pas de risque de les laisser aussi longtemps dans les rues en tout cas. Il parait qu’à Douala ou à Abidjan un seul passage suffit à les faire digérer dans un estomac.

 

Bon, je crois avoir partagé avec vous une partie des découvertes étonnantes de Dakar. Elles m’ont marquée en tout cas. J’espère que vous aussi. La suite avec la découverte de Gorée next time!

 

#LaWestern


Tana, je ne trouvais pas les mots pour toi… (2)

Bon ! C’est la suite de mon aventure amoureuse avec Madagascar, l’île que vous auriez tort de ne pas visiter. Pour ceux qui ont raté le premier épisode, j’ai parlé de mon arrivée glaciale à Tana (Antananarivo) et de mon ébahissement face aux « deux chevaux » encore à la mode là-bas. Aujourd’hui, je veux bien vous raconter les lieux qui m’ont marquée.

Entrée du palais de la reine
Palais de la Reine à Antananarivo. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

Au Palais de la Reine

Vous avez  intérêt à ne pas quitter Madagascar sans faire un tour au Palais de la Reine. C’est au cœur de la ville. Penez juste à vous munir de baskets ou de ballerines si vous voulez grimper les escaliers et collines interminables mais pavés de Tana. On y était donc, avec ma nouvelle famille de blogueurs que j’y ai rencontré. Mireille Flore Chandeup, Clara Delcroix et Sonia Guiza vous ont raconté en détail cette partie-là 🙂 .

Une femme assise
La Reine Ranavalona II de Madagascar sculptée près de sa piscine au palais. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

Chez la Reine, c’était donc majestueux. D’abord, par son accueil. Imaginez donc une entrée royale qui présente ses attributs. Un aigle et ce qui s’apparentait au départ à un piquet. Loin de là ! Le guide touristique sur place nous a tout dit. L’aigle comportait tout ce qu’il y a de symbolique en lui. Mais le piquet à côté, c’était autre chose. C’était le symbole de la virilité pour tout homme qui dit en avoir. C’était une verge en érection (voilà c’est dit). La reine Ranavalona II devait certainement avoir des exigences.

Entrée palais de la Reine
Les symboles de « puissance » de Madagascar. Crédit Photo: Alexandra Tchuileu

Il y a aussi, en bas de la colline qui mène au palais, ces commerçants. Ici, les fruits en jettent. Alors, on les concocte sous toutes les formes. Assaisonnés, pimentés ou même vendus dans des paniers, mangues et litchis de Madagascar savent se donner et se trouver de manière généreuse.

Vendeur de mangues pélées
Un commerçant de mangues « assaisonnées » à Tana. Crédit photo: Alexandra Tchuileu
Mangues assaisonnées
Pour ceux qui n’avaient pas encore essayé les mangues pimentées, vous êtes servis! Crédit photo: Alexandra Tchuileu
Vendeurs de litchis e de mangues
Avec ses paniers de litchis et de mangues à Tana, ce commerçant cherche preneur. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

Au marché

Et puis, il y a aussi, après les rues pavées et les escaliers pour « amortir », les collines abruptes. Au passage, comment ne pas se laisser séduire par un des marchés principaux de la capitale. Là, c’est l’ancien marché des esclaves qui a gardé l’essentiel de ses attributs. Pas sûr que ses occupants actuels (les commerçants de vivres) aient bénéficié de la même petite histoire du coin que les touristes étrangers. Mais bon, ça vaut la peine d’y faire un tour.

Marché des esclaves de Tana
Ancien marché des esclaves de Tana à Madagascar. Crédit photo: Alexandra Tchuileu
Monument au boulevard du 13 mai
Monument de Madagascar sur le Boulevard du 13 mai. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

Au zoo

Les amis, il y a « Pages jaunes » ou « Google » pour continuer le renseignement sur cette île. Mais je n’oserai boucler cet album photo sans vous montrer les lémuriens grandeur nature. Oui. King Julian n’est pas qu’une légende de « Madagascar« . J’ai vu ses cousins en vrai. Doux! Mignons et attachants. Mais ils ne se laissent pas apprivoiser facilement. Dans un parc (je ne ferai pas de pub ici) d’Antananarivo, ils y vivent par dizaines. Il y a aussi les crocodiles mais je ne montre que ceux qui m’ont impressionnée : Les lémuriens et la tortue centenaire.

Tortue dans un zoo
A 104 ans, cette tortue pète la forme à Croc Farm à Antananarivo. Crédit photo: Alexandra Tchuileu
Un lémurien dans un zoo
Au zoo de Croc Farm, un lémurien qui n’a pas peur des touristes… Crédit photo: Alexandra Tchuileu
Lémurien qui mange au zoo
… Et il semble apprécier la banane et la présence des touristes. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

Voilà ! Je crois avoir vidé mon sac de souvenirs de l’île. Il y a aussi le zébu mais vous pourrez découvrir sur place (si les spécimens restants ne sont pas dégustés avant), le chocolat Robert et les objets d’art.

#LaWestern


Tana, je ne trouvais pas les mots pour toi… (1)

Comment me détacher de mon côté conventionnel que certains ont décrété en moi ? Pour toi, Madagascar, je le ferai. Le temps de ce billet. Et peut-être plus.

Il était 3h45 quand je t’ai touché pour la première fois. Au petit matin d’un samedi. Il faisait frais mais la rencontre avec toi avait pris le dessus sur tout. Même sur le sommeil qui me torturait depuis 22h la veille, alors que j’étais déterminée à être avec toi.

Non ! Atterrissez ! Je ne vous parle pas d’une aventure amoureuse mais d’une aventure humaine unique. C’était Tana, à Madagascar. Tana = version abrégée d’Antananarivo 🙂 Une île dont j’avais souvent entendu parler et que j’allais palper, goûter, sentir. Et là je l’avais en face de moi. Bref, reprenons au moment où on s’est arrêté. Il était donc 3h45. Une fois les formalités à l’aéroport terminées, il fallait fouler le sol de l’île malgache.

Matin à Antananarivo
Antananarivo au lever de soleil. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

 

D’abord, les agents des maisons de téléphonie mobile. Quelle habileté ! Quelle subtilité ! A vous proposer des services et plus que vous n’en demandiez. Pour le goût de l’aventure, comment ne pas céder. A condition d’avoir des euros ou des dollars bien sûr, à défaut d’avoir des « ariaris ». Ah oui ! Les ariaris ! (je confirme que les voyages forment vraiment la jeunesse). C’est vrai que loin de mon CFA habituel et des euros et dollars sous toutes leurs formes (en fonction des pays qui ont pris leurs indépendances sur la monnaie), le monde tournait encore et ne s’en portait pas plus mal.

Les « deux chevaux », ça roule encore !

Bref le bon départ. Il était donc 3h45 quand il fallait partir de l’aéroport vers l’hôtel dans lequel je logeais. A peine 4h et déjà des lueurs de soleil qui annonçaient des couleurs. A peine 4h et déjà des habitants (hommes et femmes, mais plus des hommes que des femmes) qui faisaient leur footing matinal. A peine 4h et déjà des personnes chargées des vivres à écouler à même le dos (tout chameau se serait senti menacé sur son terroir). Mais bon, chacun son business.

Taxi de ville à Tana
La deux chevaux pas trop ancienne pour rouler! Crédit photo: Alexandra Tchuileu

 

Véhicule de transport Tana
Minibus de transport commun pour la plupart des Malgaches. Crédit photo: Alexandra Tchuileu

 

A chaque coin de rue, il y en avait. Les « deux chevaux ». Véhicule gentiment baptisé aussi « voiture tortue »

Le plus frappant, ce n’était certainement pas cela. Au début, j’ai pensé qu’il s’agissait juste de deux ou trois fans de ces joyaux. Que non ! A chaque coin de rue, il y en avait. Les « deux chevaux ». Véhicule gentiment baptisé aussi « voiture tortue ». Sur cette île, il y en a profusion. Et cela ne semble émouvoir personne. Elles roulent pour des perso. Elles constituent des taxis de luxe (je l’apprendrai plus tard). Bref, les « deux chevaux » à Madagascar ne se laissent pas influencer par les 4X4 qui devancent sa rapidité, mais ne possèdent pas son charme. Tenez-vous tranquille, ce n’est pas donné de prendre ce véhicule en courses. C’est pour ceux qui ont les moyens à Tana.

Taxi deux chevaux
« Voiture tortue »: Encore à la mode à Tana. Crédit Photo: Alexandra Tchuileu

Pour les autres, le mode de déplacement le plus courant, ce sont les « cargos ». Ces mini bus prévus pour transporter de la marchandise et pour moins de 20 personnes sont transformés par chauffeurs et « motorboy » (personne chargée de faire asseoir les passagers). Ils réussissent toujours à y masser une quarantaine, pour les mieux assis. Les places s’y discutent dès 5 h du matin pour aller dans les autres villes du pays, ou tout simplement pour se déplacer dans la ville.

5h20. J’avais eu le temps de rejoindre ma chambre et de commencer mon aventure malgache. Déjà, les premiers rayons de soleil avaient pointé à l’horizon. Il était à peine 6h et apparemment, ce n’était une surprise pour personne que le jour se lève aussitôt. Soit. L’île vibrait et vibre encore au rythme du 19e et du 21e siècle, entre été, tempêtes et ouragans, entre deux chevaux, Porsche, Megan ou Fortuner. Il fallait que je dorme enfin. Le lendemain serait forcément plus riche.

#LaWestern


Mora, marché à bétail de l’espoir

Fini les 15 km à parcourir pour trouver preneur. Les bergers savent désormais où se réunir pour satisfaire leur clientèle. A 60 km de Maroua (Extrême-Nord du Cameroun), la ville de Mora poursuit son développement à travers ses activités principales : l’élevage et la vente de chèvres, moutons et bœufs. Au grand dam de ceux qui veulent la déstabiliser.

 

Du haut de ses 75 centimètres, Brahim Abba mène un troupeau. 14 balles, pas plus, pour ce bout d’homme qui trace son avenir au milieu de chèvres et de moutons depuis quatre ans déjà. C’est un fils de Mora, dans le département du Mayo-Sava à l’Extrême-Nord du Cameroun. Il y vit avec sa famille au quartier Sandalé et y suit ses études depuis tout petit. Son jeune âge n’entrave en rien ses compétences de vendeur. «Je suis berger depuis l’âge de 10 ans et je me promène tout seul. Mes parents restent à la maison, mais il arrive que mon père sorte les jours de marché. C’est lui qui prend l’argent quand je réalise des ventes», explique Brahim. C’est en effet jour de marché ce jeudi 21 juillet à Mora. Inédit. Un marché à bétail pour Mora, cette ville qui regorge de bergers par centaines, mais qui ne disposait d’aucun espace commercial du genre. Ce jeudi-là, ils sont venus par dizaines, entourés de leurs bœufs, chèvres et moutons, découvrir le nouveau coin des bonnes affaires. C’était d’ailleurs l’occasion d’en conclure quelques-unes.

Au milieu d’autres bergers, au moins quatre fois plus âgés que lui, Brahim se fait la main. Égorger un mouton ou une chèvre n’est pas plus difficile que retenir ses leçons à l’école. Il a déjà vendu son troupeau de ce matin. Huit chèvres au total. Elles sont encore à ses côtés parce qu’elles ne rentreront pas vivantes. Leur nouveau propriétaire préfère que Brahim fasse le travail avant. Son père est d’ailleurs là. C’est lui qui a empoché le pactole sur cette affaire. Pas moins de 25 000 FCFA par tête. Soit environ 200 000 FCFA. Pas mauvais pour le jeune homme et sa famille qui ne vivent que de cette activité.

Un petit garçon qui tient le bâton de commandement de son troupeau. des chèvres en arrière plan.
Brahim Oumar espère agrandir le troupeau familial. Photo: Alexandra Tchuileu

 

La joie de Brahim n’est pas aussi grande que celle d’Oumate Malla. Cet homme connaît Mora comme sa poche. Pour y avoir vécu depuis 60 ans, mais surtout pour avoir conduit son troupeau de bœufs à travers les pâturages clairsemés de la zone. Il est berger, mais aussi chef de Pivu, dans le groupement de Kourgui, à quelques encablures de Kolofata, localité devenue célèbre par l’insécurité créée à cause du terrorisme. Cette situation n’ôte pas la vie à Mora, encore moins à ses bergers. Il est aussi vrai que le chiffre d’affaires a considérablement baissé depuis lors. La pluie fait des infidélités, ce qui affecte davantage le verdoiement des pâturages. Beaucoup ont fui leurs villages avec leur bétail à cause de la crise sécuritaire pour trouver refuge ici, ce qui menace la quantité d’herbe dont disposent les bovins de Mora. Oumate Malla le ressent en tout cas : «Avant, je gagnais entre 300 000FCFA et 500 000FCFA pour un bœuf costaud. Aujourd’hui, il faut tomber sur un client trop généreux pour espérer 150 000F pour un bœuf», confesse le berger, dépité.

Clientèle restreinte

Ce nouveau marché est une véritable opportunité pour lui, ainsi que pour l’ensemble des clients, généralement revendeurs de bétail, qui s’approvisionnent dans le coin. Pour la plupart camerounais, et rarement venus de l’étranger (Nigéria et Tchad), ils se rendaient à plus de 15 km de Mora pour accéder à un marché à bétail dont ne disposait pas Mora. «Pour vendre nos bœufs, il fallait se rendre à Mémé, à Kouyapé, et parfois à la frontière avec le Nigéria, à Kerawa et à Banki. Depuis que tout a changé (avec la menace de Boko Haram, Ndlr), on est limité au Cameroun», rappelle le berger Oumate Malla. Ce jeudi est le premier jour de marché à bétail de Mora, et va se répéter chaque jeudi de la semaine. C’est le Programme des Nations unies pour le Développement au Cameroun (PNUD), avec l’appui du gouvernement japonais, et d’autres bailleurs de fonds, qui ont permis la réalisation de cet édifice.

Un homme en boubou blanc pose la main sur un bœuf marron dans un enclos.
Le berger Oumate Malla croit en une clientèle plus dense dans ce marché. Photo: Alexandra Tchuileu

 

Brahim Oumar est client de ces bergers, mais aussi revendeur de bétail à Mora. Il se réjouit de cette situation : «Je vends au marché de Mora. A l’époque, je devais me rendre à la Mémé chaque vendredi pour avoir des bœufs. Maintenant, la distance sera plus proche pour moi, et les bénéfices aussi. Je peux avoir un bœuf entre 115 000 FCFA et 150 000 FCFA. Mais quand il est mince, je ne dépasse pas 75 000FCFA», dit-il. Ce revendeur en acquiert trois ou quatre pour les revendre à son tour aux bouchers de la ville de Mora, et se satisfait de 10 000FCFA de bénéfice par tête comme il le prétend. «Avec ce nouveau marché, la commune de Mora pourra aussi percevoir les taxes que les autres marchés récupéraient avant. Et il y en a assez. Cela va aider notre commune à se développer», espère-t-il.

Le marché à bétail de Mora représente visiblement plus qu’un simple espace commercial. C’est le symbole de la vie malgré la tentative de frayeur créée. Le jeune Brahim ne désespère de finir instituteur dans une école à Mora, après avoir réussi au mois de juin son entrée en 6e au CES bilingue de Mora. Le chef Oumate Malla a prospéré comme berger depuis 40 ans et ne compte pas quitter la profession de sitôt. Brahim Oumar pourra réaliser plus de 10 000 FCFA de bénéfices, si ses fournisseurs continuent le rapprochement à ce rythme.


Moulvoudaye : la solution vient du Nyébé

Les hommes et les femmes de Moulvoudaye, localité de l’Extrême-Nord, ont trouvé le secret de leur développement. L’agriculture (culture du Nyébé) et l’éducation. Même la menace islamiste n’arrête pas leur courage. Illustration avec deux infatigables combattants.

 

Kawtal Haïrou ou «l’union du bonheur». C’est le nom qu’a choisi Maïramou Dah-Koudi pour le groupement d’initiative commune (Gic) qu’elle porte. Elle, c’est une dame courageuse. Elle ose, dans un espace complètement happé par les hommes, dire ce qu’elle pense et veut pour ses sœurs. On est bien en 2016 et non pas au 16e siècle. Ici, les femmes se cachent encore pour oser penser, pour revendiquer leurs droits. Certaines n’en connaissent d’ailleurs pas. C’est Moulvoudaye, une localité située dans le département du Mayo-Kani à l’Extrême-Nord du Cameroun. Ici, il faut savoir se battre. Maïramou l’a compris. Son combat, elle le mène sur un front assez original : l’éducation des femmes.

Avec ce Gic, Mme Dah-Koudi s’est positionnée comme le leader des femmes de Moulvoudaye. «Ici, les femmes s’investissent principalement dans l’agriculture et le commerce. Pour celles qui peuvent mettre un pied dehors. Beaucoup n’ont même pas le droit de sortir de leurs concessions parce que les maris le leur interdit», révèle-t-elle. Les conseils de femme à femme semblent ne pas encore porter de ce côté. «Elles ont du mal à accepter ce que nous leur disons parce qu’elles se demandent qui nous l’a dit. Elles refusent de nous écouter parce qu’elles estiment qu’on n’est pas assez crédibles pour leur dire comment faire», ajoute la porte-parole.

Maïramou Dah-Koudi
Le porte parole de Kawtal Haïrou espère ouvrir les yeux aux femmes. Photo: Alexandra Tchuileu

En effet, les femmes d’ici restent, entre autres, arc-boutées sur l’idée du mariage précoce, sous le prétexte qu’elles ont réussi ainsi. «Malheureusement, le problème de la scolarisation des filles vient des mères. Elles estiment que sans avoir été à l’école, elles sont dans leurs foyers et sont heureuses. Elles envoient donc leurs filles en mariage trop tôt parce que, disent-elles, elles risquent de jouer avec les hommes et de ne pas se trouver rapidement un mari», déplore encore Maïramou. Celle-ci ose lever la tête parce que, dit-elle, son mari est «lettré». Ancien percepteur dans une société D’État liquidée dans les années 90, il a pris soin d’envoyer ses filles à l’école et de soutenir sa femme dans ce combat silencieux mais louable qu’elle mène. Aujourd’hui, la présidente de Kawtal Haïrou ne bénéficie pas d’un financement particulier parce qu’elle n’était pas informée des possibilités.

Cheval à cajoler

Augustin Dakréo Kaoumaila ne peut pas en dire de même. Délégué du Gic Rachowa de Bihore Daram qui rassemble six femmes et neuf hommes, il réalise plus que des bénéfices grâce à l’activité que les membres et lui ont mise sur pied. C’est la culture du «nyébé». C’est une graine riche en protéine qui sert à faire plusieurs repas (sous forme de sauce notamment). Moulvoudaye s’est positionné, avec le temps, comme le marché du nyébé dans la région. Et ce Gic fait parte des pourvoyeurs de ce produit au marché. L’idée a germé en 2009 et a commencé à se concrétiser deux ans plus tard. «Nous avons commencé par des cotisations pendant deux ans. Lorsque nous avons réuni assez d’argent, on a lancé la culture du nyébé», dit-il.

Augustin Dakréo
Un cheval pour accroître la production de Nyébé à Rachowa. Photo: Alexandra Tchuileu

Cet argent correspondait à environ 40 000 FCFA à investir sur un quart d’hectare pour en tirer un bénéfice de 20 000 FCFA au terme des ventes. «Nous pouvons semer uniquement entre le 15 et le 31 juillet. Passée cette période, la récolte ne sera pas abondante si on met les graines en terre au mois d’août», dit-il. Ce calcul permet au Gic de faire des récoltes entre les mois de novembre et décembre de chaque année. «Nous faisons des réserves après la récolte pour vendre les sacs de nyébé un peu plus cher en basse saison. Jusqu’ici, les bénéfices nous ont permis d’acheter des petits ruminants (chèvres et moutons) que nous élevons et revendons ensuite. Toutes ces activités (élevage et petits commerces) permettent de nourrir les familles qui constituent ce Gic», se réjouit-il.

Avec le centre d’écoute, d’orientation, de conseil et d’accompagnement (Ceoca) de la commune, le Gic Rachowa a récemment bénéficié non pas d’un financement, mais d’un matériel plus adapté à ses besoins. Un cheval chargé de sa charrue. «Nous l’avons obtenu il y a deux mois. Ce cheval nous a permis de labourer 1,5 ha de terre en une semaine, ce qui n’était pas possible avant. Au moins, on n’est plus obligés de faire ce travail nous-mêmes», dit-il. Mais le groupe pense à ne pas épuiser le cheval. C’est une jument et tous comptent sur sa fécondité pour donner des petits qui vont l’aider à labourer ces champs. Personne ne veut la perdre avant qu’elle n’ait croisé un mâle sur son chemin pour lui donner des petits. Et espérer le bonheur de plus d’un Gic à Moulvoudaye.